Perdre un ami

Alain Meridjen

La mort est toujours une catastrophe pour ceux qui restent.
Celui qui part, nous espérons tous qu’il n’a pas souffert, qu’il entre dans une nouvelle aventure n’emportant avec lui ni regret ni peine et qu’il ne pleure pas avec nous.
D’ailleurs, pour celui qui a passé une bonne partie de sa vie au service de l’humour, tourné vers le rire et la convivialité, qui nous dit que son chemin ne se continue pas dans le plaisir ?
C’est ce que nous souhaitons à Alain Meridjen. Nous qui nous sommes tant amusés avec lui tout au long de notre périple allaisien, nous qui l’avons eu à nos côtés à tous les instants de nos spectacles loufoques, de nos intronisations burlesques, de nos événements joyeux et cocasses, nous pleurons aujourd’hui notre ami entré en Allaisie comme on entre en religion dans les années quatre-vingts, il était devenu ce senior de la confrérie. Il avait été intronisé par l’un des pères fondateurs de notre communauté, Pierre-Arnaud de Chassy-Poulay, dont il fut l’un des amis les plus proches.
C’est lui qui, actionnaire de la Crémaillère de Montmartre, nous ouvrit en grand les portes de son cabaret, devenu le siège social de l’Association des Amis d’Alphonse Allais. C’est grâce à lui que nous y avons établi notre siège social, et que depuis longtemps le portrait du maître en médaillon gravé accueille le public cosmopolite de la place du Tertre à l’entrée du restaurant. C’est donc grâce à lui qu’Alphonse Allais, montmartrois de cœur et d’adoption durant toute sa vie d’humoriste, a retrouvé sa place sur la Butte – ou plutôt qu’il ne l’a jamais quittée.
Mieux encore : depuis presque vingt ans, Alain Meridjen, académicien, membre du conseil d’administration, exerça la fonction de rédacteur en chef de notre revue trimestrielle l’Allaisienne, alors qu’à l’époque des premières publications il était encore en pleine activité professionnelle. Jusqu’au bout – et même pour le numéro 57, à paraître post mortem -, il a porté à bout de bras ce difficile travail, aidé du président Philippe Davis pour les contenus, d’Annie Tubiana pour les corrections, de Catherine Montandon pour la mise en page et la mise en ligne sur notre site.
C’est lui qui a ouvert ses colonnes aux rubriques dotées des signatures les plus prestigieuses, comme Jean Amadou, Grégoire Lacroix, Yves Cusset, Popeck… C’est ainsi que l’Allaisienne, loin de rester un journal à l’ancienne, comme la plupart des revues-hommage que publient systématiquement les « associations d’amis de… » exclusivement vouées au passé, au souvenir jauni et à la commémoration, s’est tournée vers la survie de l’humour d’Alphie, c’est-à-dire à sa pérennisation par les nouveaux humoristes. Comme une newsletter qui fait renaître le loufoque année après année.
Ce n’est pas un simple hommage que nous te rendons ici, cher Alain. C’est un témoignage de reconnaissance pour ton dévouement à la cause commune, un très grand merci à l’œuvre accomplie. Et un mot de bienvenue dans ton Académie, toi qui en deviens à ce jour Membre d’Honneur.

Xavier Jaillard, chancelier