L’intronisation d’Alain Rey

L’illustre linguiste et lexicographe Alain Rey a été reçu à l’Académie Alphonse Allais le 20 janvier 2014.

Directeur de la rédaction des éditions Le Robert depuis cinquante ans, Alain Rey est assurément un homme sérieux… Mais n’oublions pas qu’Alphonse Allais était attaché à une pratique irréprochable de la langue française : rendre hommage à cette rare qualité était bien naturel pour notre académie.

Par bonheur, Alain Rey a su se départir de sa rigueur habituelle sous les projecteurs du restaurant « La Crémaillère » de Montmartre. Xavier Jaillard était son parrain et René de Obaldia son voisin de table. Cet environnement plutôt malicieux a favorisé une bonne humeur communicative !

Faites entrer l’accusé

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La salle de la Crémaillère

Comme à son habitude, Xavier Jaillard a su convaincre ses nombreux sympathisants de prendre la tête d’un mouvement contestataire en introduisant le procès en illégitimité d’Alain Rey. En effet, quand il déclare : « Cher Alain Rey, je suis désolé pour vous, vous avez tout raté », il se fait l’écho de tous ceux qui s’interrogeaient sur l’opportunité d’introniser un lexicographe, fût-il le père des Robert. Et cela au motif que l’on ne peut être à la fois un technicien du mot et un faiseur de bon mots.

Cela va dans le sens de Pierre Dérat, qui reprend à son compte un texte d’Henri Roorda daté de 1925 au sujet d’un certain Pierre Larousse, décrit comme « un écrivain absolument incohérent [qui] passe sans transition de l’album à l’albumine [et] saute brusquement d’un mamelon sur un mameluk ». Une dérive lexicographique à laquelle n’a certes pas pu résister notre cher Alain Rey, coupable lui aussi de perpétuer « cette idée puérile de réunir dans un même chapitre tous les mots qui commencent par une même lettre ». Force est pourtant de constater qu’« en dépit de son apparente incohérence, cet homme avait sûrement un plan qu’il a suivi de A jusqu’à Z ».

Le réquisitoire de Xavier Jaillard

Le réquisitoire de Xavier Jaillard

Xavier Jaillard va encore plus loin. Soufflant le vent de la Rey-volte, il accuse même l’impétrant « d’être un être retors, un homme à double face, un rusé, un pervers ». Alors que les monuments encyclopédiques d’hier sont voués à finir leurs jours « dans la cave d’un beau-père ou dans la cheminée d’un brave paysan de Saône-et-Loire »,  notre brillant dictionnariste a trouvé le moyen d’éditer un Robert en version informatique, c’est-à-dire une sorte de bibliothèque virtuelle – d’où ces interrogations bien légitimes : « Avec quoi allons-nous surélever la chaise du petit ? Avec quoi allons-nous caler l’armoire ? Avec une carte à puce ? »

Des arguments de poids pour la défense

Alain Rey et le Dictionnaire amoureux du Diable

Alain Rey et le Dictionnaire amoureux du Diable

Eh bien, que l’on se rassure : le Dictionnaire amoureux du Diable, au-delà de ses vertus pédagogiques et de la masse de connaissances qu’il nous apporte, peut aussi calmer bien des angoisses. Avec ses 975 pages et ses 1 061 grammes – hors dédicace et papier d’emballage –, il pourra aisément permettre à tout un chacun d’atteindre la dernière étagère de son placard. Cet authentique pavé pourrait également contribuer, lors d’une prochaine manif, à épargner la voie publique et à frapper l’imagination des CRS, toujours en quête de nouvelles connaissances.

Avec son sens inné de la repartie, son humour authentiquement allaisien et la complicité de son illustre éditeur, Alain Rey peut ainsi mettre au goût du jour un célèbre slogan : « Le poids des mots, le choc des dicos »… De quoi mettre du Plon dans la tête de ses fidèles lecteurs.

Alain Casabona, Grand Chancelier de l'Académie Alphonse Allais, remet la Comète de Allais à Alain Rey

Alain Casabona, Grand Chancelier de l’Académie Alphonse Allais, remet la Comète de Allais à Alain Rey

Et, pour nous, une bonne raison de souhaiter à Alain Rey la bienvenue, en nous associant à tous ceux venus lui rendre un hommage bien mérité en cette belle soirée montmartroise du 20 janvier.

Le Reportage de TV Montmartre  (Cliquez ici)

Un nouvel académicien heureux

Un nouvel académicien heureux